Par une question écrite au gouvernement et publiée prochainement au JO, j'alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la nouvelle décision d’adéquation publiée le 13 décembre dernier par la Commission européenne, en remplacement du "Privacy Shield" invalidé par la Cour de justice de l'UE.
Cette dernière exigeait que la surveillance américaine soit proportionnée au sens de l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux et qu'il y ait un accès à un recours judiciaire, comme l'exige l'article 47 de cette même charte.
Or, la loi américaine actualisée (Executive Order 14086) ne semble toujours pas répondre à ces deux exigences. Elle ne change pas la situation par rapport à la PPD-28 précédemment applicable. Il y a bien une instance prévue, la Data Protection Review Court, mais elle n’est pas réellement indépendante puisque rattachée à l’exécutif américain. De plus, les systèmes et les pratiques juridiques américains et européens divergent considérablement dans leur définition de la nécessité et de la proportionnalité.
Le projet de décision va maintenant être examiné par le Comité européen de la protection des données (CEPD) et les États membres de l'Union européenne. Toutefois, même négatives, leurs déclarations ne sont pas contraignantes pour la Commission.
Seuls le Parlement européen et le Conseil peuvent contester la décision à tout moment du processus s’ils estiment que la Commission européenne a outrepassé ses pouvoirs. On peut déjà anticiper que toute "décision d'adéquation" de l'UE basée sur l'Executive Order 14086 ne satisfera probablement pas la CJUE si elle est, et elle le sera, de nouveau sollicitée. On s’achemine donc vers un Schrems III.
Pendant ce temps, le compteur tourne au détriment de la protection des données des Européens et permet aux géants américains du Net de consolider leur suprématie au détriment de l’écosystème européen.
Je souhaite connaître la position du gouvernement sur ce sujet, sa feuille de route et, notamment, s’il envisage de déférer l’accord d’adéquation à la CJUE dans les deux mois suivant sa promulgation.
Philippe LATOMBE